Participation publique : le gouvernement choisit le flou

À l’heure où les tribunaux viennent de reconnaître que les ministres doivent tenir compte de l’acceptabilité sociale dans leurs décisions (jugement sur la minière Strateco), le gouvernement a tout intérêt à se doter d’outils assurant la qualité de ses propres mécanismes de participation publique.

 

Lors de l’allocution de clôture de la 17e Conférence de l’Observation international sur la démocratie participative, le 19 juin dernier, le gouvernement du Québec a dévoilé son Cadre de référence gouvernemental sur la participation publique. Le gouvernement du Québec consulte beaucoup par l’entremise de ses différents ministères, mais, précisons-le, il consulte à géométrie variable. Avoir un document qui permette aux citoyens de s’y retrouver augure d’une attitude responsable, sauf que le Cadre de référence ne parle pas aux citoyens, il parle à la fonction publique afin de l’aider à fournir les conditions favorables à la participation du public. Soit.

 

Que nous dit le Cadre ? Loin de son intention d’être éclairant pour ses propres employés, le cadre nous embrouille avec des termes de gouvernance à la mode comme le résume cet extrait : assurer qu’une démarche de participation publique fournira les avantages recherchés, soit d’augmenter l’efficacité et l’équité des institutions sans nuire à leur efficience. Il eut été difficile d’être plus nébuleux.

 

Autre brouillard technocratique, dans le Cadre de référence, la raison d’être de la participation publique est évacuée. Nulle part il est fait mention que cette raison d’être de la participation est de fonder la confiance entre les citoyens et le gouvernement. Pourtant, on n’est pas sans savoir que la confiance c’est le ciment social. La confiance c’est ce qui fait que l’on peut se fier.

 

Puisque le but du Cadre de référence est de guider les responsables dans la conception et la mise en œuvre de la participation publique, on se serait effectivement attendu à de la clarté et à de la précision. Que nenni! Le Cadre propose sept principes, dont celui de l’engagement. De manière vaseuse, les libellés des sept principes comptent tant de conditionnel qu’ils forment un chapelet de « devrait » en en diluant du coup l’intention, la force, la portée. Les principes en viennent à ne vouloir rien dire et à n’offrir aucune garantie aux citoyens.

 

De plus, tout au long du Cadre de référence des expressions comme une quantité suffisante d’une information diversifiée et pertinente ou encore des délais et une durée raisonnables sèment du flou à foison. En effet, raisonnable et pertinent souffrent du même syndrôme : l’interprétation. En fonction de l’impératif politique, de la contingence administrative, du rythme des médias et des attentes citoyennes, le raisonnable et la pertinence sont très variables. Pour autant, les bonnes pratiques éprouvées et reconnues en matière de délais raisonnables et de critères de pertinence existent, pourquoi ne pas les avoir clairement énoncées ?

 

En voulant délibérément rester vague, et ne pas imposer une vision ni des façons de faire, le cadre en arrive à dire peu. Surtout, en restant vague, son utilité devient elle-même tout aussi vague. Le gouvernement peut néanmoins être tranquille : dans sa vérification annuelle, il pourra dire qu’il a fait un cadre de référence, même s’il est flou.

 

Pourtant, au sein des ministères, il y a des spécialistes de la participation publique. Des gens qui sont sur le terrain, qui vont à la rencontre des citoyens. L’expertise est là. Mais ce que le gouvernement a choisi de publier n’est pas à la hauteur de cette expertise. Visiblement, on a recadré le cadre.

 

Avec le flou, l’arbitraire ne peut qu’être au rendez-vous. Tout le contraire de la confiance recherchée.

 

* D'octobre 2009 à janvier 2015, l'auteure été responsable de la participation publique au Service des aires protégées du MDDELCC.

 

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