Hulot : le hic avec les missions ministérielles

Sur la route, au Québec, ©Sophie Hamel-Dufour
Sur la route, au Québec, ©Sophie Hamel-Dufour

La démission de Nicolas Hulot, ministre de de la transition écologique et solidaire dans le gouvernement Macron soulève à la fois critiques et admiration. Critiques de la part de ceux pour qui l’engagement en politique est un contrat voire, un combat, que l’on mène jusqu’au bout du terme électif. Admiration par ceux qui célèbrent la fin de la contorsion des convictions.

 

Parmi les irritants qui ont nourri sa décision, Monsieur Hulot a souligné ses batailles avec le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, environnement et agriculture ferraillant ferme sur des enjeux comme l’abolition de pesticides. Le Québec vit aussi ce genre de batailles.

 

Ces luttes ne tiennent pas qu’aux personnalités des ministres : les racines du problème sont dans la structure même de l’appareil gouvernemental. Les ministères ont chacun une mission distincte. Au Québec, mises côte à côte, ce sont 20 missions qui cohabitent, 20 façons d’interpréter le rôle de l’État. Économie, technologie, environnement, santé, culture et les autres. Inévitablement, surgit la mise en concurrence de ces missions, chacun des ministères faisant valoir l’importance supérieure de la sienne sur celle des autres. 

 

Si les missions offrent l’avantage d’orienter les actions des ministères, elles ont deux vilains défauts. Le premier est de porter un regard en lorgnette sur la société. La lorgnette est cet instrument optique un brin vieillot qui permet, d’un seul œil, une vue rapprocher sur un objet. Avec un seul œil et un gros plan, il est aisé de comprendre qu’un large pan du paysage nous échappe. La photo qui coiffe ce billet sociologique l’illustre bien. 

 

La mission ne procède pas autrement : elle circonscrit de façon précise ce qu’un ministère doit faire. Par le prisme d’un enjeu, ici la santé, là la culture ou la technologie, la mission ministérielle fragmente artificiellement la société. La mission, telle la lorgnette, masque la grande image du rôle de l’État qui est de veiller au Bien commun. Rappelons-le, l’État doit prend soin de ce que collectivement les citoyens considèrent comme étant Bon, Précieux et Juste ; à contrario, les missions produisent une vision en gros plan d’un seul pan. 

 

Le second défaut des missions consiste à créer les conditions propices à ce que de partiel, le regard glisse vers la partialité. Autrement dit, s’il est attendu que ministre et fonctionnaires endossent la mission du ministère pour lequel ils travaillent, trop souvent ils la défendront par conviction. Dans pareilles circonstances, cela donne lieu à des débats et à des prises de positions où on oublie qu’un ministère fait partie d’un plus grand ensemble, celui du gouvernement et de l’État. Le jeu des intérêts partisans prend alors le pas sur la réflexion au Bien commun. Surtout, la partisannerie ministérielle mène à des culs-de-sac où le plus fort, et non pas nécessairement le juste dans les circonstances, emportera la mise. 

Comment sortir de cette impasse structurelle? 

 

Il faut développer une culture du Bien commun. À mon avis, le développement durable, bien compris et réellement appliqué, permet d’agir pour le Bien commun. 

 

Au Québec, le gouvernement s’est doté de la Loi sur le développement durable ancrée dans 16 principes. Loi parapluie, elle s’applique à tous les ministères et organismes. Cependant, son application est flexible, car les ministères filtrent les seize principes au regard de leur mission. Ainsi, chacun fait du développement durable à sa mesure, selon son contexte. 

 

Plus qu’un accessoire législatif, le développement durable doit devenir horizon social; le développement durable devrait être LA mission de État. Mission partagée par tous : ministres, hauts dirigeants et employés de l’État. 

 

Pour qu’il en soit ainsi, et afin de casser la concurrence qui a cours entre ministères, il est impératif que l’appareil gouvernemental apprennent à regarder par-delà ses missions sectorielles. Il faut viser tous dans la même direction. 

 

Pour qu’il en soit ainsi et qu’une réelle culture étatique du développement durable advienne, il est impératif de Faire autant qu’on dit Faire. Sinon, le développement durable continuera à n’être que cosmétique et faire joli dans la reddition de comptes. 

 

 

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