UN HUIS-CLOS EST-IL UN MANQUE DE TRANSPARENCE ?

Ce texte a initialement été publié le 15 mai 2015 et repris dans un article du quotidien Le Devoir. 

 

Le recours au huis clos dans une démarche sur l’acceptabilité sociale est-elle une erreur stratégique ou une étape favorable à la participation du public ? Au lendemain de son élection, Philippe Couillard a promis que son gouvernement serait le plus transparent avec une divulgation proactive de l’information. Depuis l’élection, d’autres ministres, dont le président du conseil du Trésor Martin Coiteux, l’ont aussi promis. Cet engagement semble aujourd’hui mis à mal avec les consultations amorcées dans le cadre du Chantier sur l’acceptabilité sociale par le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles Pierre Arcand.

 

La controverse a fait les manchette alors qu’un journaliste du Devoir n’a pu, pour cause de huis clos dit-on, assister aux Tables de discussion prévues par le ministère de l’Énergie et des Ressources Naturelles. Selon cette perspective, restreindre l’accès aux médias à une consultation sur invitation est perçu comme un manque de transparence.

 

Rappelons que la transparence, au même titre que la participation du public, est un moyen pour accroître la confiance des citoyens envers leurs gouvernants. Il faut savoir que dans une démarche sur l’acceptabilité sociale, le recours au huis clos et la participation sur invitation apparaissent être des paradoxes – un paradoxe étant ce qui va contre la logique. Mais, en démocratique participative, s’agit-il d’un paradoxe ou d’une apparence de paradoxe ? Dans un contexte de participation publique, le huis clos peut, de l’extérieur, sembler être une entrave à la transparence. Effectivement, en lui-même, le huis clos ne permet pas de savoir ce qui se dit ; il se crée un effet de boîte noire. Pour autant, cette boîte noire est-elle non démocratique ? Après tout, dans le cas présent, elle « contient » un processus participatif.

 

Vu de l’intérieur, qu’offre un huis clos aux participants et aux organisateurs ? Il propose un climat plus favorable aux d’échanges. Certaines choses se discutent mieux sans la pression d’une écoute grand public et médiatique. Il permet d’oser dire avec franchise les opinions, les attentes, les craintes, les intérêts. À cette échelle, n’y a-t-il pas un gain en transparence et en démocratie ?

Afin d’éliminer l’effet paradoxal du huis clos, il eut cependant été judicieux d’annoncer d’entrée de jeu, des séances ouvertes au grand public, médias inclus. Cela aurait offert un juste complément démocratique aux rencontres privées. L’annonce de la tenue des séances publiques a été faite a posteriori par le ministre responsable. En réagissant plutôt qu’en anticipant ce besoin réel d’ouverture du processus, le Ministère a manqué à son devoir d’exemplarité. L’exemplarité d’être un modèle une matière d’action publique, ce qui s’accorde mal avec le rattrapage médiatique.

 

Le second paradoxe est celui du principe « sur invitation ». Il s’agit d’un paradoxe apparent, le Chantier étant ouvert à tous, mais sur invitation. Cette situation n’est pas, en soi, inusitée, plusieurs forums publics fonctionnant de cette manière, notamment les commissions parlementaires. Mais le thème de l’acceptabilité sociale peut, légitimement, laisser sous-entendre une pleine ouverture à tous. Par contre, on ne connaît ni les critères de sélection des participants, ni leur nombre. En l’absence de critères clairement énoncés, l’apparence de paradoxe s’accompagne d’un risque d’apparence de partialité. Dans une perspective d’exemplarité et d’impartialité, il eut été attendu que les critères de sélection soient publiés.

 

 

En voulant mener un chantier sur l’acceptabilité sociale, le Ministère s’engage dans une avenue où sa stratégie doit être celle de l’impartialité et de l’exemplarité. En s’assurant d’être impartial et exemplaire, le Ministère concourt à la crédibilité des résultats du Chantier et à la légitimité de ses suites. Ce qui l’honore. En optant pour le huis clos, le Ministère n’a pas failli en matière de transparence, mais a créé un paradoxe. Pour palier au paradoxe démocratique du huis clos, il faudra que les résultats du Chantier fassent état avec justesse des échanges tenus en privé. Ce n’est qu’à ce prix que le paradoxe pourra être dépassé.

 

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