MODERNISATION DU BAPE : POUR LIMITER LES RISQUES

Un BAPE modernisé ou atrophié ? C’est là une des questions que posait le journaliste Alexandre Shields au sujet du projet de loi 102 qui vise à moderniser Loi sur la qualité de l’environnement. Si certaines critiques appellent en effet à la vigilance, les modifications proposées m’apparaissent être une opportunité à saisir pour en limiter les travers appréhendés.

 

 

DES CONSULTATIONS CIBLÉES

 

 

Le rôle du BAPE, dans ses commissions d’enquête, est de favoriser la participation du public dans l’examen d’un projet de développement. Le grand public connaît surtout du BAPE les audiences publiques. Il existe aussi la médiation, processus plus occasionnel. Le gouvernement propose d’ajouter à ces deux processus des « consultations ciblées ». Toutefois, la loi s’abstient d’en définir l’esprit. Devant le manque de précisions, il appert juste de se questionner sur le sens et la portée du mot « ciblé » : est-ce que la cible servira le travail des commissions d’enquête pour approfondir un sujet ou, au contraire, risque-t-elle d’engendrer des analyses partielles, et forcément incomplète, des projets ? Dans le climat actuel de suspicion à l’égard des décisions politiques, il est prévisible que choisir de tenir une consultation ciblée risque fort de teinter l’appréciation des conclusions des commissions.

 

 

Afin d’atténuer le discrédit par procuration, le BAPE devrait inviter les citoyens, les groupes et les promoteurs à lui faire connaître leurs attentes, leurs craintes et surtout leurs propositions en vue de rendre acceptables les consultations ciblées. D’ailleurs, le projet de loi prévoit qu’il revient au BAPE de soumettre au gouvernement les règles de procédure pour le déroulement des consultations ciblées. Par exemple, une règle pourrait stipuler que le débat est ouvert à tous, comme c’est actuellement le cas pour les audiences.

 

 

De plus, comme cela est prévu pour la médiation en cas d’échec des pourparlers, si la consultation ciblée ne permettait pas de répondre adéquatement aux questions du public et des commissaires, la procédure devrait prévoir que l’examen puisse se poursuivre en audience publique.

 

 

QUELQUES AVANCÉES

 

 

Une des critiques récurrentes à l’égard du BAPE est celle des nominations politiques, les commissaires étant choisis par le gouvernement et non par l’Assemblée nationale. Le projet de loi prévoit l’ajout d’un comité de sélection pour le choix des commissaires. Sans enlever les risques de partisannerie, cette étape devrait néanmoins créer une certaine distance avec la nomination partisane. Pour être cohérent avec l'engagement du gouvernement d’être ouvert et transparent, les critères pour le choix des membres du comité de sélection ainsi que les critères pour le choix des commissaires devraient être publics.

 

 

Le projet de loi répond aussi à autre critique classique à l’égard du processus d’évaluation environnementale celle du « ça prend trop de temps». Trop souvent, ce « trop de temps » pointe la partie des audiences publiques alors que, dans les faits une audience publique ne compte que pour quatre mois dans un processus d’évaluation qui s’échelonne parfois sur des années. À ce « trop de temps », s’ajoute le délai de publication du rapport du BAPE  : actuellement, le ministre de l’Environnement peut prendre jusqu’à 60 jours avant de le rendre public. Le projet de loi propose de réduire à un maximum de quinze jours ce laps de temps, ce qui serait un gain tant pour les promoteurs que pour les citoyens.

 

 

Enfin, le projet de loi se veut visionnaire et prévoyant en anticipant que les citoyens pourraient participer par des moyens technologiques qualifiés « d’appropriés ». S’il est judicieux de reconnaître que la présence en salle n’est déjà plus la seule façon de participer au BAPE, pour autant, il faudra veiller à ce que la technologie demeure un support à la participation et non pas un leurre de participation. Le BAPE a toujours valorisé l’argumentaire des participants : 140 caractères ne sauraient remplacer une idée étayée.

 

 

Au-delà du cadre légal, ce qui fait le BAPE ce sont ses quatre valeurs éthiques : le respect, l’impartialité, l’équité, la vigilance. Le gouvernement doit lui garantir les moyens de les préserver.

 

 

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