INCOMPATIBLE HUIS CLOS?

 

* Ce texte a été publié dans Le Soleil sous le titre Le huis clos ne discrédite pas la consultation.

 

La tenue de la consultation nationale sur le racisme systémique a amené son lot de commentaires depuis son annonce. Récemment, il a été souligné – et critiqué - le choix de tenir certaines séances à huis clos. Ce n’est pas la première fois que pareil huis clos est décrié. Rappelons-nous le Chantier sur l’acceptabilité sociale. L’indignation de certains (médias, politiciens, militants) appelle toutefois à revenir à l’essence de la participation publique, à ce qui en fait son éthique : la confiance, l’impartialité, l’exemplarité.

 

La participation publique est d’abord une fenêtre ouverte sur la parole du public, c’est-à-dire la parole de ceux et celles que l’on entend moins, voire que l’on n’entend pas. L’essence de la démocratie participative est d’élargir le débat au-delà de la parole experte.

 

Revenir à l’éthique de la participation publique, c’est revenir à sa raison d’être soit donner, voire redonner confiance en quelque chose.

 

La confiance se situe autant dans le processus que dans les résultats. Ainsi, les façons de faire retenues doivent pouvoir rendre les résultats fiables, dignes de confiance. Est-ce que l’apparent paradoxe d’un huis clos rend impensable l’idée de pouvoir se fier aux résultats d’une consultation publique ? Une distinction s’impose : il ne faut pas confondre « consultation publique » avec « obligation d’être public ». Rappelons-le : l’idée de la consultation publique est de donner la parole au public, pas nécessairement de l’exposer en public.

 

Pour évaluer avec justesse la confiance recherchée, il importe de porter un regard global sur la question : « Qui doit avoir confiance ? ».

 

Les critiques défendent la confiance de la population et des médias. Cette position semble faire fi de la confiance que doivent avoir en premier lieu les participants. Sans participants, il ne peut y avoir de consultation du public.

 

La tension sociale actuelle, doublée de l’hyper réactivité médiatique (médias traditionnels et sociaux confondus), apparaît être un frein important à qui aura envie de contribuer à la réflexion sociale à laquelle nous sommes conviés. Dans ces circonstances de grande sensibilité, choisir un huis clos pour une portion de la consultation n’apparaît pas insensé. Au contraire, le huis clos permet éventuellement de dire certaines choses qu’une déclaration publique n’offrirait pas. Il importe donc de se demander : Qu’est-ce qui servira le mieux l’objectif officiel de la démarche ? Une parole publique tronquée, avec de fortes chances d’être raillée, ou une parole discrète, mais plus libre?

 

C’est pour cette raison que je crois que le huis clos est pertinent pour la confiance des participants.

 

La confiance de la population et des médias, elle, tiendra dans l’impartialité et l’exemplarité que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, ainsi que les organismes retenus pour tenir les rencontres à huis clos, adopteront. L’exemplarité et l’impartialité commanderont d’être guidés par les meilleures pratiques participatives et non pas, même en apparence, par la défense d’intérêts. Quels que soient ces intérêts. Il est donc essentiel que la Commission et les organismes soient pleinement outillés afin de rendre compte avec justesse des échanges tenus en privé.

  

C’est à ce prix d’impartialité et d’exemplarité que la confiance globale pourra advenir. Sinon, la parole publique risque de n’être qu’un cirque nourrissant le cynisme ambiant. Et rien ne sera résolu. Une fois de plus. 

PARTAGEZ

Retour à la liste des Billets sociologiques