La critique, la confiance et la pandémie

Source : Pixabay.com
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En date du 5 avril 2020 – les choses évoluant très rapidement, ce texte doit être abordé dans le contexte circonscrit du début d’avril. 

 

La tempête COVID-19 qui grondait au loin, dans cette Asie du bout du monde, dans cette Europe outre-Atlantique, largue désormais ses bourrasques en Amérique. Devant cette déferlante, est-il possible de conserver intacte la démocratie telle que nous la connaissons? Qu’en est-il après trois semaines d’escalade des mesures de contrôle sanitaire?

 

Tels les soignants en première ligne, plusieurs, à gauche comme à droite, s’inquiètent de la santé démocratique au Québec : alertes au rétrécissement démocratique, gare à l’égarement du sens critique de la population, médias remontés lorsque critiqués. 

 

La critique se porte bien.

 

Pour autant, la critique ne peut faire cavalier seul. Pour être juste, une critique devrait prendre appui sur une assise solide et porter attention à ses propres travers. Autrement dit, pour être juste une critique devrait veiller à comprendre pleinement l’objet de sa critique et anticiper ses propres préjugés, pour mieux les éviter. 

 

Entendons-nous : la critique et l’esprit qu’on lui accole dans l’expression « esprit critique », s’avèrent nécessaires à la bonne santé démocratique d’une société. Ne dit-on pas que la critique est l’art de juger des choses? Vue ainsi, la critique permet de discerner ce qu’il convient de faire de ce qui serait inconvenant, voire inacceptable. En temps de pandémie, voilà qui est utile.

 

Le contexte de pandémie, et la cruelle réalité des projections statistiques quant au nombre de morts, amènent les gouvernements d’un peu partout à prendre des décisions fermes et restreignant la liberté.

 

Dans une société comme le Québec, où les droits individuels triomphent, où la démocratie participative est vigoureuse, nous ne sommes pas habitués à un tel exercice du pouvoir. En fait, on semble avoir oublié que la démocratie inclut aussi cette possibilité : l’exercice plus autoritaire du pouvoir par les élus. 

 

Nous sommes si habitués à un État conciliant envers ses citoyens qu’on en vient à confondre la légitimité de l'exercice du pouvoir avec l’abus de pouvoir. 

 

Par ailleurs, le gouvernement québécois jouit présentement d’un taux de satisfaction colossal de 95%[1] pour sa gestion de la crise sanitaire. Il n’en fallait pas plus pour que jaillissent les rappels aux citoyens à retrouver leur esprit, leur bon sens, à se méfier de ce trop-plein de confiance qui rimerait presqu’avec errance. 

 

Il suinte de cet appel à retrouver la raison un arrière-goût de préjugé cynique. Une subtile insinuation qu’en étant d’accord à 95%, les citoyens sont forcément dans l’erreur, aveuglés par le côté sympathique de nos dirigeants. Que forcément, les citoyens ont perdu leur sens critique qu’il leur faudrait retrouver au plus vite. 

Voilà un raccourci commode.

 

C’est oublier que la confiance se gagne lentement, difficilement, dans la constance et la cohérence. Que surtout, la confiance se perd en un claquement de doigt. Ainsi, à chaque jour, lors de son point de presse, le gouvernement met-il en jeu le capital de confiance que lui accordent les citoyens. Rien n’est donné. Rien n’est acquis. Tout peut basculer. 

 

La bonne santé démocratique est un bien social aussi précieux qu’être en bonne santé l’est pour les individus. Les critiques en font partie. Toutefois, avant que ne tombe le diagnostic de la dérive autoritaire, il serait bon de poser un regard sur 360 degrés en se mettant dans les souliers du Premier ministre pour répondre à ces cinq questions, qui, chaque jour, se renouvellent :

  • Quoi faire?
  • Quelle est la marge de manœuvre?
  • Quelle est la priorité?
  • Comment assurer la protection de la collectivité et des individus?
  • Comment obtenir, puis maintenir, l’écoute et la collaboration des citoyens?

Avant que ne tombe le jugement lapidaire sur la confiance moutonnière de 95% des gens, il serait bon de se rappeler que sans la confiance, la méfiance et la défiance se chargent de nos relations sociales. Et qu’à elles deux, méfiance et défiance forment déjà un virus tenace dont l’Occident peine à se guérir. 

 

Sans confiance, une démocratie ne peut survivre. Pandémie ou pas. 

 

[1] Source : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1689841/popularite-politique-covid-pandemie-trudeau-legault-sondages

 

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